Faux-semblants

Faux-semblants est un film inspiré d’une histoire vraie, la spirale de destruction de deux frères jumeaux dans les années 1970. David Cronenberg signe ainsi une œuvre singulière dans sa filmographie d’horreur (Frissons, Rage, Chromosome 3, Scanners, Videodrome), mais où prédomine toujours le goût pour le morbide (Dead Zone) et la chair (La Mouche).

Film réalisé par David Cronenberg, sorti en 1988

Le pitch

Elliot et Beverly Mantle partagent tout : la même philosophie, le même travail de gynécologue à leur cabinet, le même appartement, les mêmes conquêtes féminines. Ils jouent parfois à se faire passer l’un pour l’autre, et ni leurs collègues ni leurs amantes ne s’en aperçoivent tant ils semblent se confondre. On en vient à se demander s’il n’y a pas en fait qu’une seule personne devenue schizophrène…

Ils sont pourtant différents, et les frères Mantle arrivent à se compléter pour générer une seule personne parfaite. Elliot est à l’aise à dans les échanges sociaux : il maîtrise l’art de la rhétorique et de l’apparence. En un sens, Elliot joue le rôle de la peau, qui protège Beverly du monde extérieur. Beverly développe une sensibilité hors du commun ainsi qu’une passion pour la chair : aussi bien la chair étudiée scientifiquement dans le domaine médical, que les plaisirs de la chair. Beverly est le véritable fondateur de leur carrière et de leur cabinet de gynécologie expérimentale.

Claire Niveau, une actrice d’âge mûr souffrant de stérilité, vient les consulter. Beverly découvre sa malformation : Claire a trois vagins. Convaincu que Claire est une mutante, toutes les certitudes de Beverly sont désormais balayées. Il va lui falloir développer une nouvelle science, avec des instruments de médecine adaptés aux mutants. Le dérèglement physique de Claire va causer les troubles mentaux de Beverly : alors qu’il en tombe amoureux, son frère Elliot se lasse bien vite de cette conquête de plus. Pour la première fois de leur vie, les jumeaux pensent et ressentent différemment, ce qui les glace de peur. Beverly est déchiré entre l’amour charnel et l’amour fraternel. Mais toujours obsédé par cette femme a trois vagins et de la médecine révolutionnaire que cela lui inspire, il tente de vivre avec Claire. Le couple cherche l’équilibre, mais Claire doit partir en tournage : Beverly se retrouve longtemps seul pour la première fois. Si Elliot supporte en apparence mieux la solitude, Beverly commence à devenir maladivement jaloux et paranoïaque. Il pique des crises de colère disproportionnées, maltraite ses patientes et fait un cauchemar qui le terrorise : les deux jumeaux Mantle sont reliés par un cordon ombilical géant, et Claire vient les séparer en dévorant ce lien physique. À partir de ce cauchemar, Beverly refuse de dormir et prend toutes les drogues possibles pour rester éveillé ou sombrer dans le sommeil artificiel. Sa conception de la médecine mutante ressemble de plus en plus à un délire de sadique : il élabore réellement des instruments chirurgicaux effrayants. Quand il décide d’employer ses nouveaux instruments sur des patientes, Beverly dérape…

L’action

Faux-semblants ne verse jamais dans l’horreur spectaculaire : l’aspect monstrueux est avant tout clinique et cérébral. Qu’est-ce qui provoque la folie? Le choix du métier de Claire est un indice : une actrice se fond dans la chair d’autres personnages, au risque de perdre sa propre identité. Beverly refuse de perdre l’identité qu’il s’était lentement construite avec son frère, au point de ne plus savoir qui il est. D’ailleurs, son prénom en lui-même est ambigu : Beverly contient à la fois les surnoms des deux frères : Bev’ et Elly. Elliot, qui est plus indépendant, ne supporte pas en revanche la déchéance mentale et physique de Beverly. Il tente par tous les moyens de le faire rompre avec Claire, de le désintoxiquer des drogues. Mais il est déjà trop tard : Beverly était trop fragile et isolé. Elliot décide de régresser mentalement, de se droguer à outrance parce que la croyance en la guérison passe obligatoirement par le dédoublement. La boucle est bouclée : ils sont nés avec deux corps, deux esprits et une seule âme, et ils retournent à cet état primaire. L’entité « Bev’Elly » est à nouveau en symbiose identitaire. Mais au lieu de la délivrance attendue par Elliot, l’entité « Bev’Elly » sombre dans l’obsession de Beverly pour la médecine mutante.

Note finale : 09/10

Une note forcément subjective pour l’un des meilleurs films de David Cronenberg et sans doute le plus beau rôle incarné par Jeremy Irons. Lorsque Beverly téléphone à Claire et qu’elle demande qui l’appelle, sa réponse, absolument dramatique, clôt le film de la manière la plus surprenante qui soit !

Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.

Alexandre Auteur
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn. Créateur de singularités.