Scream 4: film d’horreur autoparodique?

Les années 1970-80 sont fastes pour le cinéma d’horreur. John Carpenter, Dario Argento et Wes Craven sont alors au sommet de leur carrière. Et puis, les années 1990 marquent le déclin : les productions d’horreur sont en décalage avec les attentes du public. Comment renouveler le genre?

Film réalisé par Wes Craven, sorti le 15 avril 2011

Les « maîtres de l’horreur » voient les portes des studios se refermer devant eux les uns après les autres. Les figures mythiques de Leatherface, Freddy et Michael Myers prêtent plus au rire qu’à l’angoisse, tandis que de nouvelles stars, tel Hannibal Lecter, font trembler de peur dans les cinémas. La mode est au Serial Killer et le genre Thriller fait un carton au box-office avec Le Silence des agneaux (1991), Basic Instinct (1992) et Seven (1995). Après 7 films sur Freddy en 10 ans, Wes Craven prend conscience que son tueur fétiche au pull à rayures vertes et rouges n’est plus d’actualité.

Il lui faut revenir aux fondamentaux : puiser dans les premiers Slasher Movie de John Carpenter et les Giallo initiaux de Dario Argento pour mieux adapter leurs codes au gout du public d’aujourd’hui. La trame restera identique : un tueur masqué tue des adolescents à la chaîne. De cette inestimable matière première copiée et recopiée, Wes Craven tire les fameuses règles « Ne pas avoir de rapports sexuels » / « Ne consommer ni alcool ni drogues » / « Ne jamais dire « Je reviens », parce que vous ne reviendrez jamais ». Comment faire coïncider un film classique sur le fond, et frais sur la forme ? En prenant pour acteurs ceux que les adolescents connaissent, puisqu’ils jouent dans leurs séries télévisées préférées : Courteney Cox (Friends), Rose McGowan (Charmed), Skeet Ulrich (Jericho) et Neve Campbell (La vie à cinq). Hélas, le succès du premier épisode encourage Wes Craven à  réaliser deux autres Scream : le 2 (1997) et le 3 (2000) : la saga sombre dans le syndrome Freddy. Impossible de surpasser le premier film, car les suites ne font que répéter la même formule : davantage de « règles », de morts et un casting actualisé pour correspondre aux séries les plus suivies par les adolescents. Et cet amer constat est aussi valable pour Scream 4.

Le pitch

Scream 3 avait tenté une synthèse pour expliquer tous les meurtres qui entouraient l’héroïne depuis le début. En résumé, Wes Craven a inventé un frère caché à Sidney Prescott (Neve Campbell) qui a tué leur mère parce qu’elle ne l’aurait pas reconnu. Ce frère psychopathe s’en est pris ensuite aux amis de Sydney pour la faire souffrir avant de l’affronter. Avouez que les délires absurdes de Freddy apparaissent tout de suite plus séduisants que l’exigence de rationalité à tout prix, hérité du genre Triller. Le pitch de Scream 4 est déjà un cran au-dessus : 10 ans après le massacre commis par Ghostface, Sydney retourne à Woodsboro et les meurtres recommencent. Cette fois, la motivation de Ghostface n’est pas d’origine personnelle, mais concrétise une envie de reconnaissance sociale. Le Ghostface veut ironiquement se prétendre « le seul survivant des massacres », et prendre la place de Sydney, la star locale. Wes craven dresse ainsi un portrait lucide des mœurs « peopolisés » de nos sociétés, le sentiment de n’exister qu’à travers les médias et les réseaux sociaux.

L’action

Les dix premières minutes font perdre tout repaire au spectateur ! Les psychopathes et les morts s’enchaînent à une vitesse vertigineuse, si bien que le spectateur cherche une télécommande imaginaire pour mettre le film sur pause et souffler. Wes Craven fait exploser les « règles » et ose tout ! Profitez bien de ce divin passage, car le reste du film se révèle incapable de susciter autant d’émotions. En effet, Scream 4 rechute trop vite dans les travers de la saga, au point que le spectateur se fiche complètement de découvrir l’identité du tueur parmi tous les suspects potentiels. Question action, il y a de quoi être déçu. Certes, il y a 15 morts, mais la mise en scène qui amène une scène de meurtre est ultra-répétitive et plombe tout suspens : la nuit tombe d’un coup, et les violons stridents assassinent vos tympans. A ces vieilles ficelles s’ajoutent les artifices du film d’horreur contemporain. Le nouveau Ghostface filme ses meurtres en caméra embarquée façon Rec (2007) et Cloverfield (2008). Les acteurs n’ont que les mots Facebook et Twitter à la bouche, et sont tous issus des séries les plus récentes : Shenae Grimes (90210 Beverly Hills), Kristen Bell (Veronica Mars), Nico Tortorella (The Beautiful Life), Adam Brody (Newport Beach), Hayden Panettiere (Heroes) et Lucy Hale (Pretty Little Liars). Autant dire que le film devrait plaire aux plus jeunes. Quant aux ados d’il y a dix ans, pas sûr qu’ils soient restés fans de séries juvéniles…

Wes Craven s’autoparodie non pas en faisant référence à Scary Movie, mais avec les « Stab », de faux films d’horreur inspirés par les évènements de Woodsboro. La scène finale est d’ailleurs (involontairement ?) comique : les morts se relèvent, Dewey Riley (David Arquette) est assommé à coup de bassine, le Ghostface se fait électrocuter le cerveau par un défibrillateur ! L’humour parvient à arracher quelques sourires au spectateur. Quant à avoir peur, qui est normalement la vocation première d’un film d’horreur, il semble que Wes Craven ait abandonné tout espoir de ce côté là.

Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.

Alexandre Auteur
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn. Créateur de singularités.