Le ray tracing n’est pas nouveau. La technique existe depuis les années 1980 dans le cinéma d’animation et l’infographie pré-calculée. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est sa standardisation en temps réel dans les jeux vidéo. Depuis 2018, NVIDIA et AMD ont intégré des unités dédiées dans leurs GPU. Mais jusqu’ici, l’usage massif du ray tracing restait réservé à des configurations haut de gamme, ou à des jeux prêts à sacrifier leurs performances pour quelques reflets plus réalistes.
Cette situation est en train de changer.
Les générations de GPU annoncées pour 2025–2026 — NVIDIA « Blackwell » et AMD « RDNA4 » — ne misent plus uniquement sur la puissance brute. Elles intègrent des accélérateurs IA pour calculer, compenser, corriger et compléter l’image en temps réel. Autrement dit : on ne cherche plus à afficher chaque rayon lumineux, mais à prédire l’image finale avec suffisamment de fidélité pour qu’elle soit perceptuellement juste.
C’est exactement ce que fait DLSS 3.5 avec le Ray Reconstruction sorti fin 2023 : l’IA remplace une partie du pipeline du ray tracing par du « renseignement » basé sur l’image. Dans Cyberpunk 2077, le patch qui inclut ce mode a permis de gagner entre 18% et 35% de performances tout en améliorant la netteté des surfaces réfléchissantes et des ombres. Les benchmarks publics de Digital Foundry le montrent clairement : on n’est plus dans le « compromis visuel », mais dans une amélioration simultanée des performances et du rendu.
Ce changement technique n’est pas anecdotique. Il modifie la manière dont les studios conçoivent leurs jeux.

Moins de « triche graphique », plus de cohérence d’image
Pendant vingt ans, les moteurs 3D ont été construits sur une idée : imiter les effets de lumière plutôt que les calculer. Screenspace reflections, cubemaps, normal maps, occlusion simulée… Le jeu vidéo utilisait des systèmes qui donnaient une illusion convaincante, à condition que la caméra ne se retrouve pas dans l’angle « qui casse la magie ».
Le ray tracing remet tout à plat :
l’éclairage devient physique, non pas « inventé ».
Pour les artistes 3D, cela signifie qu’ils peuvent concevoir des scènes en pensant d’abord à la lumière, comme un directeur photo le ferait sur un plateau. Pour les joueurs, l’impact est plus subtil : l’image paraît moins « décor » et davantage espace. Le regard circule, l’œil reconnaît des matières, la profondeur est moins artificielle.
Autrement dit, le ray tracing n’améliore pas seulement les reflets.
Il change la perception du monde virtuel.
Le cas Horizon Forbidden West (PS5 / PC)
La version PC sortie début 2024 a ajouté des effets de RT plus avancés que sur PS5, notamment sur les ombres portées d’objets naturels. Ce n’est pas spectaculaire à première vue. Pourtant, sur un plan en mouvement, notamment dans la jungle ou autour de ruines massives, l’image gagne une consistance que les moteurs traditionnels peinaient à reproduire.
Ce n’est pas du « wow instantané ».
C’est du réalisme progressif.
Le genre d’amélioration que l’on ne remarque qu’en revenant en arrière.
Les studios commencent à recalibrer leurs pipelines
Ce qui prend du temps, ce n’est pas l’activation du ray tracing en tant que fonction graphique.
Ce qui prend du temps, c’est de refaire les assets et les matériaux pour qu’ils réagissent correctement à la lumière.
C’est là que la prochaine génération GPU devient déterminante.
Si le coût en calcul baisse, les studios peuvent penser le RT dès la pré-production, et ne plus seulement l’ajouter en fin de développement.
On peut s’attendre à trois effets directs :
- une disparition progressive des maps de faux reflets (cubemaps)
- une simplification de certains workflows de shading
- un rendu plus stable entre gameplay et cinématiques
Concrètement, cela rend les jeux moins inégaux visuellement.
Et côté joueurs ?
Tout dépendra de l’équipement.
Aujourd’hui, selon le dernier sondage Steam Hardware & Software Survey, moins de 40% des joueurs PC disposent d’une carte graphique réellement optimisée pour le ray tracing sans compromis d’image.
Dans deux ans, ce pourcentage devrait dépasser les 60%, simplement via renouvellement naturel des machines.
Sur console, la situation est différente : les PS5/Series fonctionnent déjà avec du RT « modéré ».
La prochaine génération (probablement 2027–2028) pourrait, elle, en faire un standard.
La bascule à surveiller
Le moment où :
Les studios conçoivent des niveaux « éclairés physiquement »
Les GPU moyens gammes deviennent compatibles sans perte de FPS
À ce moment-là, l’apparence des jeux vidéo va évoluer sans retour en arrière.
Nous n’y sommes pas encore, mais les briques techniques sont posées.

Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.
