Abandonware : le phénomène rétro gaming

Toi qui a moins de trente ans, ne fuis pas ! Ce dossier t’es aussi destiné afin d’approfondir ta culture et ton propre rapport au jeu vidéo. Tu sauras tout sur l’Abandonware, cette pratique sulfureuse qui permet de renouer avec la magie des jeux gracieusement « abandonnés » par leurs créateurs.

Envie de remonter aux origines ancestrales des sagas cultes telles Metal Gear, Mortal Kombat ou Resident Evil ? Attention à la marche et suivez le guide !

Qu’est-ce qu’un abandonware ?

Un abandonware est un jeu « abandonné »: bien qu’il ne soit pas encore tombé dans le domaine public, personne ne va réclamer de droits pour sa possession ou sa diffusion. La pratique qui consiste à faire revivre un logiciel tombé dans l’oubli est propre au jeu vidéo du fait du constant renouvellement des consoles (5 ans en moyenne), de l’obsolescence rapide d’un jeu (la commercialisation de certains jeux à l’échec foudroyant n’est que de quelques mois), et du défi technique (les jeux d’ancienne génération ne fonctionnent habituellement pas sur les ordinateurs récents ou les consoles suivantes).

Manettes de consoles de jeux vidéo rétro gaming
Florilège de manettes de consoles de jeu vidéo.

Quid de la légalité des abandonwares ?

Les abandonwares représentent un casse-tête légal en raison de la disproportion entre la durée légale d’une œuvre (logiquement 70 ans) et la durée de vie commerciale d’un jeu (une dizaine d’années au maximum). Cependant, au vu de l’ampleur du phénomène rétro gaming ces dernières années, la majorité des éditeurs et des constructeurs de consoles ont mis le holà à partir de 2006. Les consoles de septième génération (Xbox 360, Wii, PS3) possèdent leurs propres plateformes de téléchargement de jeux d’ancienne génération, ce qui signifie qu’il faut désormais payer pour jouer ce que les nostalgiques avaient l’habitude d’émuler hier.

En réaction à cette surexploitation, certains ayant droits se montrent plus tolérants et acceptent de partager leurs trésors. Le site Abandonware-France rassemble à ce titre des perles à télécharger légalement. Quelques exemples pour vous faire saliver : Street Fighter II (1992) et Resident Evil (1996) de Capcom, Mortal Kombat (1992) de Midway, Alone in the Dark (1992) de Infogrames. De nombreuses oeuvres cultes de Sega sont également disponibles : Virtua Fighter (1993), Virtua Cop (1994), The Typing of the Dead (1999). On y déniche même des classiques indémodables tels Space invaders (1978) et Arachnoïd (1986) de Taito, Wolfenstein 3D (1992) et Doom (1993) de Id Sofware, Duke Nukem 3D de 3D Realms.

D’autres éditeurs vont plus loin et distribuent gratuitement sur leur site web leurs plus anciens jeux, à l’image de Grand Theft Auto (1997) de Rockstar Games, Command & Conquer (1995) de Electronic Arts, The Elder Scrolls I: Arena (1994) de Bethesda Softworks.

Comment expliquer le phénomène du rétro gaming en France et la soif pour les abandonwares ?

N’y aurait-il pas une once de nostalgie dans cet attachement irraisonné pour des jeux perclus de rhumatismes et d’arthrite ? Les abandonwares ont gardé l’aura de leur époque, une part d’insouciance et de fraîcheur, loin des paquebots financiers prévisibles d’aujourd’hui. Les studios se lançaient souvent dans des développements hasardeux, sans crainte de trouver mauvaise place dans les charts. Il était alors possible de faire un jeu vidéo seul, dans son garage, comme le prouve Eric Chahi avec Another World, disponible à présent en abandonware.

La prise de risque dans le jeu-vidéo, ce lointain concept…

Puisque tout était à inventer, il fallait oser, tâtonner, prendre des risques. La fièvre créative, heureusement contagieuse, semblait emporter la plupart des scénaristes, game designers, ou développeurs du milieu. Bien avant les frags Online du dernier Call of Duty, on gouttait au multijoueur jouissif de titres comme Double Dragon ou Bomberman. Et les sensations du jeu en coopération étaient déjà là, le petit grain de folie en plus. Si la nostalgie embellit, elle n’altère pas la réalité d’une époque où on pouvait être surpris à chaque instant. Le jeu vidéo était alors en train de se construire, de se forger une histoire, et de consolider ses fondations.

Les abandonwares ressuscitent les aventures fondatrices du jeu vidéo 

Ces fondations, ce sont les Pong, les Pac-Man, les Space Invaders, les Wolfenstein 3D, et autres Alone in the dark. Ces titres qui sont plus ou moins à l’origine de genres, de ramifications, et qui ont enfiévré le coeur et les mains de millions de joueurs. Et dont la flamme brûle aujourd’hui grâce aux abandonwares. La nostalgie pousse à se remémorer certaines sorties événements, qui secouèrent le monde du jeu vidéo. Comme celle de Street Fighter II ou bien celle de Metal Gear. De véritables étapes dans l’histoire de cette industrie, qui ont chacune, comme beaucoup d’autres, contribué à porter le jeu vidéo un peu plus haut.

Philips Videopac.

La sphère ludique semblait alors ne jamais devoir manquer de souffle. Mais son endurance devait-elle durer éternellement ? Non pas que la créativité ait été aujourd’hui annihilée par les impératifs de rentabilité, ni que les développeurs contemporains soient moins talentueux que leurs aînés. Mais tous les genres ou presque ont été explorés, exploités, parfois jusqu’à la saturation.

En trente ans, la consommation des jeux vidéo a bien changée ! 

Devenu marché de masse, le jeu vidéo cherche désormais l’efficacité, en se reposant sur quantité de valeurs sûres, qui parlent à une cible la plus élargie possible. Autrefois réservé à une frange de hardcore gamers endurcis, il s’est mué en loisir accessible, à la difficulté gommée pour ne pas rebuter le profane. Si l’arrivée de la 3D en 1994 avait provoqué un véritable électrochoc, permettant à la fois de transcender le florilège de licences existantes, et d’en créer d’innombrables nouvelles, l’élan semble s’être considérablement ralenti. Les années 2000 sont-elles le pendant obscur des années 90 ? Certes non, mais la nostalgie, elle, fait parfois dire oui.

Atari Stw
Atari 1040STf.

Cela dit, il ne faut pas systématiquement incriminer la production ludique moderne pour expliquer les poussées nostalgiques, et la déferlante du rétro gaming. Si le jeu a évolué depuis toutes ces années, le joueur n’est pas non plus resté le même. En grandissant, le jeune gamer a vu son regard, et ses attentes changer. Il ne s’émerveille plus à la moindre occasion, et se lasse rapidement. Le fait d’avoir accumulé les expériences de jeu, et d’avoir exploré nombre de genres, induit forcément un regard plus affûté, qui ne saurait se contenter d’avancées mineures, ou de banalités graphiques. Cette intransigeance vis-à-vis des productions modernes contraste avec l’émoi subjectif des softs d’autrefois, auxquels on pardonnait nombre d’imperfections.

Victoire de la nostalgie par K.O.

La nostalgie se veut ainsi loin de toute rationalité, parce qu’elle signifie bien souvent se replonger dans son enfance, et tout ce qu’elle avait d’agréable. Rebrancher sa Master System, ou sa PlayStation, c’est tenter de recoller avec ces sensations du passé ; d’en retrouver la saveur. Qu’importe que ces quelques pixels n’aient pas fière allure, ou que ces polygones vétustes scintillent de plus belle. Leur aspect vieillot n’est pas dépourvu d’un certain charme, et il arrive que les petites musiques parfois binaires qui les accompagnent véhiculent plus d’émotions que les grandes envolées symphoniques des pointures actuelles. Ils renvoient à une certaine désinvolture, un temps où le jeu vidéo, loin de se prendre au sérieux, ne s’appréhendait avant tout que comme un jeu. Alors, on peste quelque peu devant ces oeuvres modernes clinquantes, à la dimension cinématographique. Sans son regard d’enfant, il est plus difficile d’en percevoir la magie. Mais peut-être est-ce cela, grandir.

Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.

Alexandre Auteur
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn. Créateur de singularités.